Au Burkina Faso, il existe des femmes très discrètes, qui sont pourtant incontournables et efficaces. Parmi elles, Sabine Zoumbara/Nana. Elle est à la tête d’une usine de transformation de pâte de manioc en attiéké frais et séché. C’est dans les locaux de l’usine basée à Pabré, qu’elle nous a reçue. Portrait d’une battante qui est persuadée qu’un jour, « ses sœurs » pourront bouter la pauvreté hors de notre pays.
Sabine Zoumbara née Nana a vu le jour à Kindi, dans la province du Boulkiemdé. Elle a quitté les bancs après la classe de Terminale. Elle rejoint plus tard son oncle en Côte d’Ivoire où elle restera pendant de longues années. Elle n’avait alors que 20 ans. Pour se prendre en charge, Sabine a fait presque tous les métiers : coiffeuse, restauratrice, etc., avant de se lancer dans la fabrication de l’eau de Javel, de savon liquide et de vinaigre.
out semblait aller pour le mieux, jusqu’à ce qu’elle se retrouve à la case départ. Découragée, elle quitte sa terre d’accueil, en pleine crise en 2002, pour son pays natal le Burkina Faso, et « sans rien ». Toutefois, elle a, sur le destin, une revanche à prendre. Et rien ne l’arrêtera dans sa course vers la recherche d’un lendemain meilleur. Après de nombreuses péripéties, elle crée, en 2004, l’association féminine Teeg-Taaba pour la survie des rapatriés de la Côte d’Ivoire.
Cette association, qui compte plus de 300 membres, est active depuis 16 ans dans la transformation de la pâte de manioc (communément appelée « placali » par les Ivoiriens) en attiéké. Cette innovation émane de la présidente de l’association. Pour mener à bien les activités, elle s’est dotée d’une unité de transformation sise au quartier Tampouy de Ouagadougou. La vie d’entrepreneur commence ainsi pour cette dame. « Notre activité avait du succès. On n’arrivait pas à satisfaire la commande. J’ai recommandé aux femmes de se constituer en groupes de quatre personnes dans les quartiers pour renforcer cette activité génératrice de revenus », confie-t-elle. Et d’ajouter, toute fière, qu’à ce jour, plus d’une centaine de femmes sont autonomes dans la seule ville de Ouagadougou. Partie de rien, Mme Zoumbara force aujourd’hui le respect et l’admiration.
« Nanatiékê » ou attiéké séché
Elle a créé, par la suite, l’entreprise « Nanalim » en 2008, grâce à l’accompagnement du Programme développement de l’agriculture (PDA) mis en œuvre par la GIZ. « Cette ONG m’a aidée à monter mon plan d’affaires et à avoir un prêt auprès de Coris Bank », informe-t-elle. Elle y consacre la quasi-totalité de son temps. Cette entreprise emploie 50 personnes, constituées en majorité de femmes, dont 20 permanentes. L’une de ses spécialités, l’attiéké séché. Ce produit est commercialisé sous le nom de « Nanatiékê ».
Dans l’usine, cette femme dévouée à son travail circule d’un coin à l’autre, non pas en errance, mais pour s’assurer que le traitement et le conditionnement du produit respectent bien les normes d’hygiène. Son usine a une capacité de production de 100 tonnes d’attiéké par mois. Le produit sec est vendu à 750 F CFA l’emballage de 500 grammes, et le sac de 20 Kg à 20 000 F CFA. Concernant l’attiéké frais, le paquet d’un kg est vendu à 500 F CFA. Avec cette activité, elle réalise chaque année un chiffre d’affaires de 50 000 000 F CFA.
Aujourd’hui, « Nanalim » est une référence dans la commune de Pabré. Les produits sont vendus aussi bien dans les pays de la sous-région (Sénégal, Niger, Togo et Bénin) qu’en Europe (Italie, Canada). Enthousiasmée par l’ampleur que prend le projet et aussi par la satisfaction des clients, cette entrepreneure a maintenant pour rêve d’étendre ses activités au Maroc. Elle ne compte pas s’arrêter là. Elle prévoit également d’accompagner les producteurs à augmenter leur production locale et à introduire de nouvelles variétés à cycle court.
Mais pour l’instant, l’attiéké séché est introduit dans sept établissements de la ville de Ouagadougou. Son cri du cœur « serait que le gouvernement burkinabè et ses partenaires accompagnent les femmes des zones de grande production comme Orodara, Banfora, Léo, le Centre-Est, Bittou et Ouargaye, dans la fabrication de la pâte de manioc ». Lorsqu’on parle de difficultés, elle nous répond simplement : « Les difficultés ne manquent pas ». Mais aguerrie, dame Zoumbara, qui ne recule devant rien, dit s’en sortir, malgré tous les obstacles qui se dressent devant elle au sein de l’usine.
Des mérites reconnus
Figure de proue dans la transformation des matières premières agricoles du Burkina Faso, elle a reçu la reconnaissance du ministère de l’Agriculture en 2017. En 2018, le prix burkinabè de la qualité a été attribué à son entreprise. En 2019, elle a été distinguée parmi les dix meilleures entreprises, lors des Journées agro-alimentaires. Elle a également reçu le Grand prix du président du Faso. Enfin, Nanalim a été sélectionnée comme entreprise championne dans la filière manioc. En plus de la gestion de son usine de transformation, Mme Zoumbara est la présidente de l’Union nationale des transformatrices du manioc.
Source
Lefaso.net